Editorial Numéro 1

Dr E. ATTIAS*

L’association Médecine et Culture créée à Toulouse a pour objet de s’adresser au corps médical et de le solliciter en éditant deux fois par an, en décembre et en juin une revue médico-culturelle qui comprendra : une partie médicale qui s’adresse à des médecins, des chirurgiens dentistes et des pharmaciens afin d’actualiser leurs connaissances, dont les thèmes seront définis et traités par des universitaires et des praticiens libéraux ; une partie culturelle qui sollicitera le corps médical et des intellectuels sur des faits de société, la littérature, l’art, la musique, le cinéma. Cette association pourra également organiser des rencontres entre praticiens afin d’échanger leurs points de vue sur la prise en charge des patients.
Pourquoi a-t-on associé Médecine et Culture ? Le lieu où s’exerce la profession médicale est un lieu obligatoirement neutre, où différentes appartenances culturelles peuvent se retrouver sans exclusive et dans lequel les praticiens vont soigner les personnes venues de tous les horizons possibles de l’humanité, quelles que soient leurs origines, leurs croyances, les différences culturelles, les convictions sociales ou politiques. Cette neutralité est, non seulement vitale, mais elle est également une obligation éthique pour ceux qui s’adressent à tout être humain en situation de vulnérabilité à cause de sa maladie. « Le malade, quel qu’il soit, nous devons le soulager, le guérir et l’accompagner dans sa maladie et même jusqu’à sa mort, selon les règles qui découlent d’une réflexion éthique, respectant les valeurs essentielles qui sont les droits imprescriptibles des malades et les devoirs des médecins respectant la personne humaine de la naissance jusqu’à la mort » (Pr Bernard GLORION). La culture détermine le schéma mental et la conscience de chaque individu. Elle lui permet de se mouvoir dans le milieu extérieur, dans ses rapports avec les autres. En France, la laïcité est un lieu neutre, un espace de liberté à partir duquel des individus venus d’horizons différents peuvent parler et débattre, se contredire mais néanmoins vivre ensemble. Elle est lacondition de possibilité du dialogue entre les individus appartenant à différentes cultures. C’est pourquoi il nous a paru intéressant d’articuler ces deux concepts, ces deux vastes domaines de l’expérience humaine, pour tenter de favoriser le dialogue au sein même du corps médical.

Le volet médical de ce premier numéro a été confié au service de Pneumologie de l’hôpital Larrey-Toulouse qui traite des bronchopneumopathies chroniques obstructives et au Dr André Benhamou qui traite des Implants à émergence zircone avec les incidences esthétiques et parodontales. Nous aborderons également deux sujets d’actualité, la question de fin de vie et le dossier médical partagé.

Le volet culturel sera articulé autour des concepts fondamentaux de la laïcité et des religions monothéistes. En effet, la vie en groupe exige le respect de règles de conduite. En société, ces règles qui comportent des éléments d’obligation, d’interdiction et de permission sontqualifiées de valeurs, par exemple, le respect des personnes et des biens, l’égalité de droits, la liberté de penser, l’infinie dignité de la personne humaine, l’accès nécessaire à la connaissance, au travail et aux soins. A cette fin, les valeurs doivent revêtir un caractère universel, c’est-à-dire, être applicables à tous les individus et en toutes circonstances. Leur respect n’est jamais acquis et leur défense nécessite un effort commun car la période actuelle s’accompagne ici ou là d’une réactivation des systèmes de valeurs plutôt qu’à la tolérance et au respect mutuel. La plupart de ces valeurs sont tirées des textes fondateurs du Livre. L’histoire serait illisible, écrit Jean Delumeau, historien, si l’on ne se penche pas sur le rôle qu’y tiennent les textes fondamentaux des trois grands monothéismes qui sont à l’origine des clivages de notre civilisation.
Aucun des trois monothéismes ne se cantonne à une seule lecture, à une seule interprétation de sa Révélation écrite car les textes disent ce qu’on veut leur faire dire, on trouve dans les livres ce que l’on y cherche et on y entend ce que l’on veut entendre. La manipulation est d’autant plus commode que les peuples ne connaissent pas les Livres des autres et souvent, mal, leurs écrits écrit Claude Weill, ouvrant le dossier « la Bible et le Coran » dans le Nouvel Observateur. Tracer sans préjugés les concepts fondamentaux des religions monothéistes dont la connaissance est indispensable à la compréhension du monde aujourd’hui, serait un bon antidote contre l’intolérance, les craintes et le rejet de l’autre, bien que la fusion ne soit pas pour demain et que les ressemblances n’effacent pas les oppositions. C’est dans le cadre de la laïcité, aujourd’hui, que les citoyens peuvent vivre le pluralisme culturel et religieux, dans la paix et le respect de l’autre. C’est ainsi que toute société qui veut durer et se perpétuer doit assurer la transmission convenable de son modèle culturel. ■

* Pneumo-Allergologue – Toulouse.